Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

« Pour Poutine, l’hostilité de l’étranger est le moteur principal de l’histoire russe » : entretien avec l’historien Nicolas Werth

Il y a deux ans, le 28 décembre 2021, la Cour suprême de Russie prononçait la dissolution de l’association Memorial, fondée en 1987 pour établir la vérité historique sur les crimes soviétiques et défendre les droits humains dans la Russie contemporaine. Un an plus tard, l’ONG recevait le prix Nobel de la paix. Où en est son combat, alors que les manipulations mémorielles du pouvoir poutinien ne cessent de s’intensifier, à mesure que la violence russe s’accroît en Ukraine comme envers les opposants au régime ? Eléments de réponse du grand historien de l’URSS Nicolas Werth, directeur de recherche honoraire au CNRS, dont l’un des premiers livres, paru en 1984, vient d’être réédité sous le titre Le Communisme au village. La vie quotidienne des paysans russes de la révolution à la collectivisation (Les Belles Lettres, 496 pages, 15,50 euros). Il est le président de Memorial France.
De nombreux responsables ont dû s’exiler pour échapper aux arrestations. Mais certains sont restés. Il faut comprendre que la structure de Memorial était complexe, avec beaucoup de branches différentes. Ce qui a été dissous en décembre 2021, ce sont deux de ses structures centrales, Memorial International et Memorial Droits de l’homme. D’autres entités n’ont pas été formellement interdites. Pour autant, la pression policière est constante, et les militants restés en Russie doivent de plus en plus se réfugier dans la clandestinité, si bien que l’essentiel de la vie de Memorial se passe en exil.
C’est ce qui a entraîné une recomposition de l’association hors de Russie, avec la création, en juin, d’une ONG européenne qui porte le nom Association Memorial international. Son conseil d’administration s’est réuni à Berlin début décembre, pour fixer définitivement les statuts, les objectifs, etc. Elle est composée de trois branches russes encore présentes en Russie, trois branches russes en exil et neuf branches européennes, parmi lesquelles Memorial France et la branche ukrainienne, le Groupe de défense des droits humains de Kharkiv, dont l’activité principale consiste désormais à documenter les crimes de guerre et crimes contre l’humanité russes. Sa présence est très importante. Montrer notre solidarité avec l’Ukraine est un axe politique majeur de l’association.
La situation la plus préoccupante est celle de Iouri Dmitriev [historien et membre de Memorial], qui est détenu depuis 2016 et a été condamné à quinze ans en 2022. Les rares nouvelles que nous avons de lui ne sont pas bonnes. Il est dans une colonie pénitentiaire à régime sévère de Mordovie. Il va sur ses 70 ans. Il est en mauvaise santé. Il n’y a aucun espoir de libération anticipée.
Il vous reste 75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish